Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, nous explique pourquoi plus de 40 parlementaires et plus de 600 élus locaux de l'UDI soutiennent le maire de Bordeaux.
Par Emmanuel BerrettaAlain Juppé reçoit le renfort de l'essentiel de l'UDI, engagé derrière Jean-Christophe Lagarde, son président. Dans Le Monde, une quarantaine de parlementaires centristes et plus de 600 élus locaux (maires, conseillers régionaux et départementaux) signent une tribune de ralliement au maire de Bordeaux. Bien sûr, l'unité de l'UDI, une fédération de cinq partis centristes, s'est un peu effritée au moment de choisir un candidat. C'est ainsi qu'Hervé Morin (Nouveau Centre) et Yves Jégo (Parti radical) ont préféré choisir Bruno Le Maire. Le député Maurice Leroy (Nouveau Centre) a préféré rester fidèle à Nicolas Sarkozy.
"Rassembler les centristes, c'est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens", avait plaisanté François Bayrou en 2011. "Il s'agit de quelques éléments épars, tempère Jean-Christophe Lagarde. Grosso modo, les deux tiers des parlementaires et les trois quarts des élus locaux UDI ont choisi Juppé. Je voulais une démarche commune, qui avait plus de poids que des ralliements individuels. Nous avions l'habitude, au centre, d'éclater avant chaque élection présidentielle pour nous recomposer après. Évitons de rééditer ce fait. Mis à part quelques individualités qui ont des vélléités d'être ministres, cette fois, nous restons groupés au maximum."
Cela n'a pas été une mince affaire. L'UDI, qui a été le partenaire des Républicains lors des scrutins départementaux et régionaux, avait été sollicité pour participer à la primaire de la droite et du centre. Jean-Christophe Lagarde avait alors entamé des négociations avec Nicolas Sarkozy, alors président du parti. "Je voulais obtenir des engagements gouvernementaux puisque, dans ce cas, le candidat UDI à la primaire se serait engagé à soutenir le vainqueur. Il n'était pas question de signer un chèque en blanc. Nicolas Sarkozy n'a pas pu ou n'a pas voulu s'engager sur une plateforme commune." Lagarde se montrait également gourmand puisqu'il réclamait environ 30 % des investitures aux législatives 2017. Impossible.
Du coup, en mars 2016, Jean-Christophe Lagarde a appelé les militants UDI, consultés en congrès, à rejeter la participation à la primaire. Ce qu'ils ont fait. Partant de là, on pensait alors que l'UDI présenterait un candidat à la présidentielle. Mais non... Ce serait trop simple. L'UDI a renoncé à présenter un candidat et a entamé un casting des candidats républicains : les propositions d'Alain Juppé, de François Fillon, de Bruno Le Maire ou de NKM ont été passées en revue. Les dirigeants se sont rencontrés. Même Macron a eu sa chance... Séduits, Jean-Christophe Lagarde et Laurent Hénart ont penché un moment pour le jeune Macron.
Finalement, c'est Juppé qui emporte le morceau ! "C'est avec lui que ça matche le mieux, assure Lagarde. D'abord parce que, comme nous, il estime que l'Éducation est la première des réformes, que c'est ici qu'il faut porter l'effort maximal puisque c'est par l'Éducation que la République se délite. Sur l'économie et le social, c'est aussi avec Juppé que nous sommes allés le plus loin et le plus vite. La plateforme programmatique que nous avons envisagée avec lui va continuer à se construire." Pour autant, les sujets de divergence avec Juppé ne manquent pas : le maire de Bordeaux réfute la pertinence du scrutin proportionnel auquel l'UDI est attaché ; Juppé n'est pas non plus pour une intégration européenne plus profonde, un autre marqueur du centrisme. L'UDI prône un septennat non renouvelable ; l'ancien Premier ministre de Chirac n'en veut pas, considérant qu'avec les alternances, un président ne préside jamais plus de cinq ans depuis VGE.
Entre les caciques de l'UDI et Nicolas Sarkozy, le divorce a l'air plus que consommé. Ne serait-ce que sur l'approche des problèmes écologiques. Nicolas Sarkozy a estimé récemment que l'activité humaine n'était "pas le seul responsable" du réchauffement climatique. Un outrage pour l'UDI, le parti fondé par Jean-Louis Borloo, l'ancien ministre de l'Environnement...
"Nous ne sommes pas non plus dans le culte du sauveur, assène Jean-Christophe Lagarde. Ça n'a jamais marché. La preuve, nous avons le président occidental qui a le plus de pouvoir et qui est aussi le plus impuissant à faire des réformes. Tout simplement parce qu'il n'a pas de base sociale assez élargie pour les faire. Nous sommes partisans d'une culture de coalition précisément pour élargir cette base sociale afin que notre pays puisse entamer les réformes trop longtemps différées. Au début, Juppé ne l'a pas compris tout de suite." Finalement, le maire de Bordeaux a topé pour qu'en cas de victoire à la présidentielle, sa future majorité parlementaire repose, comme autrefois, sur deux jambes : l'ancien RPR reconstitué et l'ancien UDF reconstruit. C'est à ce projet que travaillent notamment François Bayrou (qui ne souhaite pas être ministre) et Jean-Pierre Raffarin.
Autre élément de dissension entre l'UDI et Nicolas Sarkozy : le thème de l'identité, une priorité pour l'ancien chef de l'État. "Nous pensons que par rapport à l'urgence de résorber le chômage, l'identité n'est pas la priorité. Les Français ne se réveillent pas chaque matin en se demandant s'ils sont gaulois ou pas", ironise Lagarde. Et quand bien même l'identité serait un thème, nous ne partageons pas les vues de Nicolas Sarkozy. Nous ne pensons pas que l'identité nationale soit figée. Car à quel moment se serait-elle arrêtée ? À l'époque des Gaulois, des Mérovingiens, des Lumières, de l'Occupation, de l'Après-Guerre ? Nous sommes également hostiles à l'idée de l'assimilation. Devenir français, c'est une chance, ça ne peut pas devenir un chemin de croix. On ne vous demande pas de renier vos origines mais de respecter les valeurs françaises et l'histoire de notre pays." Lagarde illustre son propos d'un exemple où affection pour les origines et sentiment patriotique se combinent : "Un Français d'origine italienne peut très bien supporter la Juventus de Turin face à l'Olympique lyonnais. Mais quand les Bleus jouent la Coupe du monde, son cœur vibre pour l'équipe de France."