Nous regrettons d’ailleurs d’autant plus que Messieurs ARTHUIS et MARINI aient proposé un tel amendement, dans le contexte de la nouvelle, annoncée par Monsieur le Ministre, de la mise en place, au cours du premier semestre 2008, d’un conseil interministériel pour l’outre-mer, qui sera présidé par le Président de la République.
Nous percevons, en effet, cette décision de création d’un conseil interministériel pour l’outre-mer comme une marque d’attention très significative à l’égard de l’ensemble de nos compatriotes ultramarins qui seront, à n’en pas douter, très sensibles à un tel geste.
Nous comprenons également que cette initiative intervient dans la dynamique du changement qui doit s’appliquer à nos collectivités ultramarines.
Nous sommes tous conscients que de nombreuses contraintes pèsent sur l’activité économique et la création de richesses, outre-mer.
Elles sont tenues de soutenir en permanence, par l’action publique, un développement économique et social fragilisé par des handicaps structurels et elles sont limitées, dans la mise en œuvre de leur politique publique, par des ressources propres insuffisantes.
Vous avez d’ailleurs souligné à juste titre, Monsieur le Ministre, que l’enjeu fondamental est de donner à nos collectivités ultramarines la capacité de se développer et de passer d’une logique de rattrapage à une logique de développement.
Je souhaite tout comme vous que la mise en place de pôles de compétitivité et la création de zones franches d’activité, dans nos collectivités, permettent de donner un nouvel élan à nos économies.
La gestion de nos collectivités ultramarines se fait dans le contexte de la décentralisation, qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences, plus ou moins étendu, à nos assemblées locales, ainsi que des moyens permettant de les assumer.
La gestion de proximité ne permet pas de pallier tous nos handicaps, ni de résoudre tous nos problèmes.
Et la Haute Assemblée, qui est la représentante des collectivités locales, est bien placée pour connaître des difficultés induites par le processus de décentralisation.
Vous avez d’ailleurs souhaité, Monsieur le Président, la doter d’un observatoire de la décentralisation, en lui confiant notamment une mission d’évaluation ainsi que la faculté de faire des propositions visant à « corriger le tir », si nécessaire.
Nos collectivités d’outre-mer, qui sont souvent présentées comme un laboratoire de la décentralisation, ne peuvent trouver entière satisfaction dans un processus à caractère administratif.
Elles se caractérisent, en effet, par une très grande diversité, par une identité particulière, qui nécessitent des réponses adaptées à chaque situation.
La réponse qui a été apportée, jusque-là, est une très grande variété de statuts et donc une complexité de l’organisation outre-mer.
Nos collectivités d’outre-mer sont de ce fait continuellement confrontées à l’évolution de leur statut et de leurs liens avec l’Etat.
L’outre-mer exprime en effet sans cesse son besoin de voir son identité et sa différence, reconnues, et cela se traduit par une demande de plus grande autonomie.
Je reprendrai, à cet égard, la définition de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui précise, en son article 3 que « l’autonomie locale est le droit et la capacité effective pour les collectivités de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs population, une part importante des affaires publiques ».
L’exercice de l’autonomie est très variable d’une collectivité à l’autre : je citerai, à titre d’illustration, la question de la responsabilité des Exécutifs locaux qui n’est actuellement présente dans notre organisation territoriale que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de l’Assemblée territoriale de Corse.
Personne ne songe aujourd’hui à contester la légitimité de la revendication d’une gestion de proximité.
Pour autant, il me semble que la France de l’outre-mer a besoin aujourd’hui de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, qui concerne d’abord la redistribution des pouvoirs entre l’Etat et ses collectivités d’outre-mer en fonction des différentes étapes de décentralisation et d’autonomie que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme et ce, bien entendu, selon la volonté de sa population.
Cela suppose qu’une réflexion soit menée au sein de chaque collectivité d’outre-mer quant à l’évolution de ses relations avec l’Etat et que des initiatives soient prises pour proposer les réformes institutionnelles nécessaires ou des adaptations, dans le domaine de la loi ou du règlement.
Il apparaît que le gouvernement a clairement manifesté, à de nombreuses reprises, sa volonté de privilégier l’écoute des populations ultramarines.
Dans cet esprit, nous avons franchi un pas supplémentaire et très symbolique, en adoptant la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.
Nous avions conscience que nos départements et nos régions d’outre-mer ont gardé des liens très forts avec la Métropole, qui les empêchaient, à certains égards, d’aller de l’avant.
Comme vous le savez, cette loi permet désormais aux départements et aux régions d’outre-mer, conformément à l’article 73 de la Constitution, d’adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire, et de fixer eux-mêmes dans un certain nombre de matières, les règles.
Ils disposent donc là d’une possibilité nouvelle, qui traduit bien la volonté de l’Etat d’apporter des réponses adaptées aux situations de ses collectivités ultramarines.
Cependant une action publique davantage décentralisée, mieux adaptée à nos réalités locales, davantage d’autonomie pour nos collectivités ultramarines sont-elles la panacée, sont-elles la solution pour l’outre-mer ?
La réalité est beaucoup plus complexe, à l’image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre pour accroître l’essor économique et la création de richesses, dans nos collectivités et d’améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d’outre-mer.
La France de l’outre-mer a aussi besoin d’inscrire son évolution statutaire dans l’Union européenne et il me paraît essentiel qu’une réflexion soit conduite en commun entre le Gouvernement et les responsables des collectivités locales ultramarines, pour que cette question soit enfin abordée.
Nous savons en effet que la différenciation que l’Union européenne fait entre les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) se traduit par un niveau d’intervention de l’aide européenne qui est très variable.
L’évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement au niveau européen.
Pourquoi ne pas saisir l’opportunité de la présidence française de l’Union européenne, en 2008, pour proposer une réforme du statut des collectivités d’outre-mer, de façon à parvenir à une uniformisation et à une plus grande efficacité de l’intervention européenne dans les PTOM ?
Cela favoriserait également une meilleure intégration de nos collectivités dans l’Europe, dont pourraient bénéficier nos populations.
Parallèlement, il est tout aussi essentiel de pouvoir davantage prendre en considération l’insertion de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional respectif.
La faiblesse et l’irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins sont un véritable handicap. Il y a là des opportunités de développement que nous manquons, cela ne fait aucun doute.
Ce cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé, dans le contexte de la mondialisation.
Nous nous félicitons d’afficher des Produits intérieurs bruts élevés qui cachent cependant de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités.
En outre, nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, qui sont une entrave à notre compétitivité, à l’égard de nos voisins immédiats comme du reste du Monde.
Il est donc urgent de repenser la politique d’intégration de l’outre-mer français, en particulier dans le Pacifique, la région Antilles Guyane et l’Océan indien.
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