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le blog de Simon Loueckhote

Une fenêtre sur la Nouvelle-Calédonie : politique, santé, social, éducation, francophonie, économie

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Publié le 16 Janvier 2007 par Loueckhote Simon in Politique

 

 

N° 3004

MODIFIANT L’ARTICLE 77 DE LA CONSTITUTION
MOTION

Présentée par

MM. LOUECKHOTE, PASQUA, BALARELLO, COINTAT, VASSELLE, SAUGEY, GUERRY, LEROY, DUFAUT, BEAUMONT, de RICHEMONT, LECERF, de BROISSIA, PUECH, CÉSAR, MARINI, GRILLOT, LEGENDRE, HAENEL, GOULET, LONGUET, COURTOIS et DOUBLET, Mme PAYET et MM. RISPAT, LARDEUX, MASSON, RETAILLEAU, ADNOT, BIWER, SOUVET et PEYRAT


TENDANT A OPPOSER LA QUESTION PREALABLE


En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée Nationale, modifiant l'article 77 de la Constitution.

 

 

Objet

 

Le droit de vote est un droit fondamental, son périmètre ne saurait avec légèreté être restreint.

La vocation de la France , des héritiers de MONTESQUIEU que vous êtes est d'étendre ce périmètre et non pas de le restreindre.

Nous sommes au pays des lumières ; que ce pays n'assombrisse pas l'horizon des droits de nos concitoyens, de compatriotes, fussent-ils des antipodes.

J'ai entendu les intervenants devant l'Assemblée Nationale, je viens de vous écouter ici au Sénat, mes chers collègues.

Et j'en suis triste.

Nul député à l'Assemblée Nationale, aucun sénateur aujourd'hui ne m'a convaincu. Je sens votre gêne.

Dois-je rappeler qu'il y a eu un référendum en Nouvelle-Calédonie et qu'à 72%, les électeurs de Nouvelle-Calédonie, qu'ils soient indépendantistes ou non, Kanaks ou non, ont adopté un texte novateur et audacieux, prévoyant pour des échéances électorales futures, que pour le référendum de sortie des Accords de Nouméa, le corps électoral était figé, et que pour les élections locales, qu'on appelle là-bas, les Provinciales, le corps électoral devait être composé des électeurs ayant 10 ans de présence sur le sol calédonien.

Les populations concernées ont voté ces dispositions. Elles les ont admises.

Le parallélisme des formes auxquelles les juristes sont attachés aurait dû conduire, le Gouvernement à donner à nouveau la parole aux Calédoniens, et à les consulter.

Alors, et alors seulement, le Congrès de Versailles aurait pu être convoqué.

On voit bien, l'empressement du Gouvernement. C'est une course contre la montre.

Cette course est en fait une course contre la démocratie. Et elle le restera, tant que vous refuserez de donner la parole sur ce point aux Calédoniens.

Est-ce bien à moi, en ce lieu prestigieux de la République , devant vous mes chers collègues qui avez par le passé, montré combien vous êtes les garants des libertés individuelles et les droits fondamentaux, à exprimer ce rappel ?

Ce texte est moralement choquant ; il est juridiquement condamnable, il est politiquement critiquable.

Il n'est pas digne de la France que j'aime. Il n'est pas digne du Gaullisme que j'admire et respecte.

J'essaie pourtant de vous comprendre. Je sais qu'après ce vote, beaucoup d'entre vous, qui se seront prononcés au nom d'une discipline pour seule logique, viendront me voir penauds, et me diront que j'ai raison ; qu'ils auront voté quasiment en fermant les yeux et en se bouchant le nez.

Que ceux-là pensent aux conséquences de leur vote !

Je sais que mon appréciation juridique et morale de ce texte est partagée par le plus grand nombre d'entre vous.

Je ne doute pas que politiquement, vous n'êtes pas dans la majorité favorable à la rupture de la Nouvelle-Calédonie avec la France  ; rupture qui ne serait pas sans conséquence sur la Polynésie et plus généralement sur la place et le rôle de la France dans le Pacifique.

Le leitmotiv que j'entends pourtant, en particulier chez les plus ignorants de la chose politique calédonienne est que les indépendantistes n'accepteraient pas que ce texte ne soit pas voté, et que des violences reprendraient sur l'île.

Le chantage à la violence, air bien connu, mais stérile.

Ceux qui s'expriment comme cela ne mesurent pas le chemin parcouru depuis 20 ans en Nouvelle-Calédonie.

De la violence, plus personne ne veut. En tous cas, elle ne saurait être l'alibi au cadeau que vous faites à ceux qu'un certain racisme anime en Nouvelle-Calédonie.

A l'heure de la primauté des arts premiers, chers au Président de la République , je me demande si les «  Monsieur JOURDAIN » qui voteront ce texte, n'ont pas davantage une démarche ethnologique ou ethnographique.

Chers collègues, qui dans ce débat avancez à tâtons, comme des aveugles, ressaisissez-vous.

Mesurez les conséquences morales, juridiques et politiques de ce vote.

Mesurez le mal que vous ferez à la Nouvelle-Calédonie.

Mesurez le mal que vous ferez à la France.

Et je voudrais vous interroger :

Après la restriction de ce droit fondamental qu'est le droit de vote, à quoi allez-vous toucher ?

A la restriction du droit de propriété ?

Prenez bien conscience de la chose suivante : vous allez ouvrir la porte de la restriction exceptionnelle de certains droits.

Des droits supprimés ou des droits accordés avec dérogation.

N'est-ce pas MONTESQUIEU qui conseillait à ceux qui envisageaient de modifier la loi, de la faire «  d'une main tremblante  ».

Beau conseil de prudence que je vous invite à suivre.

La France n'a-t-elle pas d'un point de vue historique de mauvais souvenirs, sur le charcutage de droits fondamentaux.

Je n'étais pas né, mes parents n'avaient pas le droit de vote à l'époque, quand bien même venaient-ils mourir en « indigène » pour que vive la France , ce n'est donc pas à moi à vous faire des rappels historiques.

Mais pensez-y quand même.

Je rends hommage à ceux qui m'ont dit qu'il ne voterait pas ce texte et notamment au Premier Ministre, Monsieur Edouard BALLADUR qui, il y a peu, s'exprimant sur une radio, déclarait qu'il ne voterait pas deux des trois textes qui seront proposés.

Monsieur BALLADUR a fait preuve de sagesse et de clairvoyance.

C'est la même lucidité que je vous demande d'avoir, mes chers collègues, en ne votant pas aujourd'hui le projet de loi constitutionnel modifiant l'article 77 de la Constitution et de le faire sans «  trembler  », mais avec conviction.

Il y va de l'honneur de notre Assemblée, de l'honneur de la République.

Vive la République  !

 

 

 

 

 

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