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le blog de Simon Loueckhote

Une fenêtre sur la Nouvelle-Calédonie : politique, santé, social, éducation, francophonie, économie

La Nouvelle-Calédonie au bord de la déstabilisation ? Les raisons d’y croire Les garde-fous …

Publié le 2 Janvier 2015 par Loueckhote Simon in Politique

Presque trois ans que la Nouvelle-Calédonie connaissait des institutions stables, après les chutes du gouvernement à répétition provoquées par les élus de Calédonie Ensemble en 2011, et (déjà), les menaces d’élections générales. Un retour à la stabilité qui avait nécessité rien moins qu’une modification de la Loi Organique.
Aujourd’hui, nouvelle démission. Mais surtout, rupture institutionnelle d’un pacte de stabilité sans, apparemment, de schéma de sortie. En clair, la Nouvelle-Calédonie n’a pas de gouvernement - sauf « l’ancien » chargé de traiter les affaires courantes et les situations d’urgence-, parce qu’il n’y a aucune possibilité pour un parti d’obtenir les 6 voix nécessaires à la mise en place d’une nouvelle présidence.
Et cela pourrait très bien durer quelques mois … Indications.
L’équation impossible
« Ils auraient du y penser avant », laisse tomber un électeur qui se dit de Calédonie Ensemble,
déçu. L’expression lapidaire semble refléter une étonnante réalité : comme dans un « blitzkrieg»,
Calédonie Ensemble provoque la chute du gouvernement mardi 16 décembre, en laissant dans la foulée entendre que si leur candidat n’est pas élu Président de l’Exécutif, le parti obligera l’Etat à dissoudre le Congrès et à organiser de nouvelles élections provinciales. Pas moins !
Sauf que rien n’est prêt, sinon les rodomontades, et que l’analyse sur l’organisation « obligée » de nouvelles élections est bien légère.
Bien sûr, quelques contacts ont lieu entre Calédonie Ensemble et l’UCF à qui l’on prête, pour certains de ses membres, un rapprochement avec le parti de Philippe Gomès. Bien sûr, il y a aussi la rumeur : « les élus du Palika pourraient voter pour un candidat de Calédonie Ensemble», et argument suprême : « dans la balance, la remise gracieuse des 4 milliards CFP de redressement fiscal de la SMSP ».
Sauf que. Mercredi après midi, après d’ailleurs que l’UCF eut décidé d’abattre ses cartes -pas
d’accord avec Calédonie Ensemble, ni d’ailleurs avec le FPU-, la situation redoutée devient réalité: élection … du même gouvernement, mais cette fois, plus d’accord pour trouver 6 voix, de quoi élire le Président.
Le Front pour l’Unité a beau jeu de dire : « ils nous ont mis un coup de pied au fesse, ils ont fait
tomber un gouvernement d’union, la moindre des choses est qu’ils se débrouillent ! ».
Bref, on en est là : un gouvernement sans président, donc inexistant, et fort heureusement pour la continuité institutionnelle et celle des services publics, un gouvernement déchu, mais habilité à
traiter les « affaires courantes ».
Une situation qui pourrait durer plusieurs mois
Si elle ne mettait pas en jeu une Institution importante du dispositif calédonien, l’affaire pourrait
être cocasse. Dans le gouvernement « provisoire » et le nouveau gouvernement, on trouve … les mêmes. La différence, c’est que le pouvoir revient désormais essentiellement au Congrès, notamment pour les initiatives réglementaires et législatives. Et tout cela n’empêchera pas la Calédonie de fonctionner.
Un chef d’entreprise va même plus loin. « Au moins, ils pourront plus nous faire ch… avec de nouveaux impôts, ou de nouvelles réglementations du travail à la socialiste ! ». Demi-réalité, tout de même, puisque le Congrès jouit de tous ses pouvoirs, y compris fiscaux. Mais on voit mal des initiatives nouvelles dans un contexte politique aussi instable.
Or, cet état de fait pourrait durer plusieurs mois. En effet, tant que le « nouveau » gouvernement
n’a pas élu son chef, « l’ancien » règle les affaires les plus simples, et le congrès peut agir. En
réalité, il n’y a pas de blocage, sauf en cas d’acharnement des « ministres » de Calédonie Ensemble à empêcher le règlement même des affaires courantes.
Une dissolution du Congrès improbable
La menace de « retour devant le peuple » proférée par Calédonie Ensemble n’est pas nouvelle.
C’était déjà le leitmotiv des démissions du gouvernement à répétition en 2011, c’est cette fois-ci
une menace générique de « blocage ». Mais qu’est-ce qui peut être bloqué ?
En Province sud, une démission de la liste de Philippe Gomes n’entrainerait qu’une élection partielle … avec répartition des sièges remplaçant ceux des démissionnaires à la proportionnelle. Hypothèse à écarter car elle ne n’aboutirait qu’à affaiblir Calédonie Ensemble.
Reste donc des « manoeuvres » visant à bloquer tous azimuts le fonctionnement du congrès.
C’est le cas prévu par l’article 97 de la Loi Organique : « Lorsque son fonctionnement se révèle
impossible, le congrès peut, après avis de son président et du gouvernement, être dissous par un décret motivé en Conseil des ministres ». S’ensuit la dissolution immédiate des assemblées de province et de nouvelles élections dans les deux mois.
Il y a ainsi loin de la coupe aux lèvres car on ne voit pas ce qui empêcherait le Congrès de fonctionner.
D’autant que les majorités indépendantistes dans le nord et aux Iles ne semblent guère
favorables à une retour aux urnes.
Apprentis sorciers ?
Du côté de l’Etat, certains se demandent si finalement, les Calédoniens ont acquis suffisamment
de maturité pour gérer l’immense autonomie qui leur a été conférée. Ils savent que les dérives d’un pouvoir sans contrôle peuvent conduire à des désordres publics, sujet ultra-sensible pour le gouvernement de la République. Ce à quoi la situation politique particulière calédonienne pourrait mener si l’Etat n’y rend pas garde.
Les acteurs économiques, eux, commencent à sérieusement s’interroger. Une production de nickel métal bien en deçà des prévisions, avec des incidents techniques à répétition, un tourisme de plus en plus en berne, une agriculture semi-sinistrée, et une consommation qui, hors le boom de fin d’année, risque de baisser, ne portent guère à l’optimisme. Si l’on ajoute à cela ce qui est ressenti comme un matraquage fiscal, des contrôles administratifs de plus en plus contraignants et la réduction des capacités des entreprises à investir, il ne faut pas s’attendre à une année économique flamboyante.
Les ressources fiscales récemment votées pourront donner l’illusion d’un retour à une bonne santé budgétaire. Mais des dépenses à venir sont masquées, comme le fonctionnement futur du Médipôle ou de l’hôpital de Koné. Et puis surtout, et les élus ne l’ont apparemment pas intégré dans leurs votes successifs de dépenses, les recettes dépendent de la santé économique de la Nouvelle-Calédonie. Et certainement pas de l’augmentation des impôts.
Si l’on complète ce tableau peu engageant par une longue instabilité économique à venir, on doit s’attendre à des regains de tension toujours dangereux pour un pays qui vit au rythme
« d’Accords ». En clair, plus d’accords, moins de paix. C’est la logique inverse des Accords fondateurs de Matignon.
Et c’est en tout cas l’enjeu porté par ceux qui ont pris la responsabilité d’ouvrir ce cycle en
faisant tomber le gouvernement Ligeard.

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