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le blog de Simon Loueckhote

Une fenêtre sur la Nouvelle-Calédonie : politique, santé, social, éducation, francophonie, économie

Compte rendu intégral des débats de la Séance du Mardi 16 janvier 2007 à 21H30

Publié le 18 Janvier 2007 par Loueckhote Simon in Politique

sous la présidence de Monsieur Christian PONCELET, discussion de la motion tendant à opposer la question préalable

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant l'article 77 de la Constitution.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable.

 

Question préalable

 

M. le président. Je suis saisi, par MM. Loueckhote, Pasqua, Balarello, Cointat, Vasselle, Saugey, Guerry, Leroy, Dufaut, Beaumont, de Richemont, Lecerf, de Broissia, Puech, César, Marini, Grillot, Legendre, Haenel, Goulet, Longuet, Courtois et Doublet, Mme Payet et MM. Rispat, Lardeux, Masson, Retailleau, Adnot, Biwer, Souvet et Peyrat, d'une motion n° 1 rectifié decies , tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, complétant l'article 77 de la Constitution (n° 121, 2006-2007).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Simon Loueckhote, auteur de la motion.

M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit de vote est un droit fondamental, dont on ne saurait restreindre le périmètre avec légèreté.

La vocation de la France , celle des héritiers de Montesquieu que nous sommes, est d'étendre ce périmètre et non pas de le restreindre.

Nous sommes le pays des Lumières ; que ce pays n'assombrisse pas l'horizon des droits de nos concitoyens, de nos compatriotes, fussent-ils des antipodes !

J'ai entendu ceux qui se sont exprimés à l'Assemblée nationale, je viens d'écouter ceux d'entre vous qui l'ont fait ici, mes chers collègues, et je suis attristé. Aucun orateur, à l'Assemblée nationale ou, aujourd'hui, au Sénat ne m'a convaincu. Je sens votre gêne. (M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.)

Dois-je rappeler qu'il y a eu un référendum en Nouvelle-Calédonie et qu'à 72 % les électeurs de ce territoire, qu'ils soient indépendantistes ou non, Kanaks ou non, ont adopté un texte novateur et audacieux, prévoyant que, pour le référendum de sortie de l'accord de Nouméa, le corps électoral était figé et que, pour les élections locales, appelées là-bas les provinciales, le corps électoral devait être composé des électeurs ayant dix ans de présence sur le sol calédonien ?

Les populations concernées ont voté ces dispositions, elles les ont admises.

Le parallélisme des formes auxquelles les juristes sont attachés aurait dû conduire le Gouvernement à donner de nouveau la parole aux Calédoniens et à les consulter. Alors seulement, le Parlement, réuni en Congrès, aurait pu être convoqué à Versailles.

On voit bien l'empressement du Gouvernement : c'est une course contre la montre.

C'est en fait une course contre la démocratie. Et elle le restera tant que vous refuserez de donner la parole sur ce point aux Calédoniens.

Est-ce bien à moi, en ce lieu prestigieux de la République , devant vous, mes chers collègues, qui avez, par le passé, montré à quel point vous êtes les garants des libertés individuelles et des droits fondamentaux, d'exprimer ce rappel ?

Ce texte est choquant ; il est juridiquement condamnable et politiquement critiquable. Il n'est pas digne de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) , de la France que j'aime. Il n'est pas digne du gaullisme, que j'admire et respecte.

J'essaie pourtant de vous comprendre. Je sais que, après ce vote, beaucoup d'entre vous, qui se seront prononcés au nom d'une discipline qui leur tient lieu de seule logique, viendront me voir, penauds, et me diront que j'ai eu raison, qu'ils auront voté quasiment en fermant les yeux. Que ceux-là pensent aux conséquences de leur vote !

Je sais que mon appréciation juridique et morale de ce texte est partagée par la plupart d'entre vous.

Mme Dominique Voynet. Il ne faut pas exagérer !

M. Simon Loueckhote. Je ne doute pas que, politiquement, vous n'êtes pas, dans la majorité, favorables à la rupture de la Nouvelle-Calédonie avec la France , rupture qui ne serait pas sans conséquence sur la Polynésie et, plus généralement, sur la place et le rôle de la France dans le Pacifique.

Le leitmotiv que j'entends pourtant, en particulier chez les plus ignorants de la réalité politique calédonienne, est que certains n'accepteraient pas que ce texte ne soit pas voté, et que des violences reprendraient sur l'île. Le chantage à la violence, air bien connu, est stérile. Ceux qui s'expriment ainsi ne mesurent pas le chemin parcouru depuis vingt ans en Nouvelle-Calédonie.

De la violence, plus personne ne veut. En tout cas, elle ne saurait servir d'alibi au cadeau que vous faites à ceux qui, en Nouvelle-Calédonie, sont animés par un certain rejet.

À l'heure de la primauté des arts premiers, chers au Président de la République , je me demande si les « Monsieur Jourdain » qui voteront ce texte n'ont pas davantage une démarche ethnologique ou ethnographique. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Frimat. C'est insupportable !

M. Simon Loueckhote. Chers collègues qui, dans ce débat, avancez à tâtons, comme des aveugles, ressaisissez-vous !

Mme Dominique Voynet. Dites-nous au moins que c'est une blague !

M. Charles Pasqua. Laissez-le parler ! Il connaît mieux que vous la Nouvelle-Calédonie  !

M. le président. Seul M. Loueckhote a la parole !

M. Simon Loueckhote. Mesurons les conséquences morales, juridiques et politiques de ce vote ! Mesurons le mal qui, probablement, sera fait à la Nouvelle-Calédonie , fait à la France  !

Après la restriction de ce droit fondamental qu'est le droit de vote, à quoi allons-nous toucher ? À la restriction du droit de propriété ?

Prenons bien conscience que nous allons probablement ouvrir la porte à une restriction exceptionnelle de certains droits : des droits supprimés ou des droits accordés avec dérogation.

Montesquieu ne conseillait-il pas à ceux qui envisageaient de modifier la loi de ne le faire que « d'une main tremblante » ?

M. André Lejeune. Cela a déjà été dit !

M. Simon Loueckhote. Beau conseil de prudence, que je vous invite à suivre !

La France n'a-t-elle pas de mauvais souvenirs historiques ? À une époque où je n'étais pas né, où mes parents n'avaient pas le droit de vote, ils venaient quand même mourir en « indigènes » pour que vive la France. Ce n'est donc pas à moi de vous faire des rappels historiques. Mais pensons-y quand même !

Je rends hommage à ceux qui m'ont dit qu'ils ne voteraient pas ce texte. Ils ont fait preuve de sagesse et de clairvoyance. C'est la même lucidité que je vous demande d'avoir, mes chers collègues, en refusant de voter aujourd'hui le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution , et de le faire avec conviction, sans trembler.

Il y va de l'honneur de notre assemblée, de l'honneur de la République. Vive la République  ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)

 

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