L’Australie, la Nouvelle-Zélande et Fidji rétablissent leurs relations diplomatiques
SYDNEY, lundi 30 juillet 2012 (Flash d’Océanie) – L’Australie, la Nouvelle-Zélande et Fidji ont annoncé conjointement lundi le
rétablissement de leurs relations diplomatiques, dans le cadre d’une normalisation censée accompagner un retour annoncé à la démocratie dans cet archipel, plus de cinq ans après le putsch du 5
décembre 2006.
Dans un communiqué conjoint, les trois chefs de la diplomatie de Canberra, Wellington et Suva, Bob Carr, Murray McCully et Ratu Inoke
Kubuabola, ont évoqué le rétablissement de toutes les relations diplomatiques entre les trois capitales, qui avaient été sérieusement perturbées après les expulsions de Hauts-commissaires
(ambassadeurs) australiens et néo-zélandaise, courant 2009.
Canberra et Wellington, par ailleurs, appliquaient depuis fin 2006 des sanctions ciblées à l’encontre du régime issu du putsch de
Fiji, dirigé par le Contre-amiral Premier ministre Franck Bainimarama.
Ces sanctions concernaient notamment des interdictions de visas pour toute personne considérée proche du régime.
La normalisation des relations diplomatiques entre Fidji et ses deux plus grands voisins régionaux devrait rapidement se traduire par
la nomination, pour toutes les parties, d’ambassadeurs plénipotentiaires, alors que depuis plusieurs années, la représentation diplomatique n’avait été assurée que par l’équivalent de chargés
d’affaires.
Ces nominations devraient faire en sorte que « le dialogue entre les parties demeure ouvert et effectif », stipule notamment le
communiqué conjoint.
Concernant les restrictions aux visas, Canberra et Wellington ont indiqué que désormais, une plus grande « flexibilité » serait
appliquée « au cas par cas » à ces mesures, avec un accent tout particulier sur un encouragement à la « civilianisation » progressive de l’administration fidjienne.
« Tout cela n’aurait pas été possible sans l’engagement du gouvernement intérimaire de Fidji au processus de consultations
constitutionnelles et du travail qui a eu lieu en vue d’élaborer une nouvelle Constitution, les travaux concernant les listes électorales en vue d’élections en 2014 », a notamment commenté M.
Carr, qui souligne toutefois que la vigilance demeure de mise concernant le respect des libertés individuelles, des droits humains et de la liberté de la presse.
« Nous continuerons à suivre très attentivement les évolutions à Fidji, mais nous avons reconnu (lundi) les progrès positifs qui ont
été accomplis », a-t-il ajouté.
Réchauffement confirmé
Ratu Inoke Kubuabola, pour les besoins de cette réunion tripartite à Sydney, mais avant cela pour une escale en fin de semaine
dernière à Auckland, avait bénéficié d’un assouplissement des sanctions aux visas de la part de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Il était ainsi le premier membre d’un gouvernement fidjien à obtenir un visa pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande depuis le putsch
de décembre 2006.
Les entretiens de lundi à Sydney, placés sous le signe d’une politique affichée de réengagement de Canberra et de Wellington vis-à-vis
de cet archipel océanien, constituent une sorte de virage et importante dans le processus de réchauffement entre Fidji et ses deux plus grands voisins régionaux, qui appliquaient jusqu’ici des
interdictions de visa pour tout membre du gouvernement issu du putsch.
Ces entretiens devraient aussi imprimer une dynamique, voire influer sur une position révisée avant la tenue, en août 2012, du
prochain sommet annuel des dirigeants des 16 États membres du Forum des Îles du Pacifique (FIP), qui aura lieu cette année aux îles Cook.
La Nouvelle-Zélande assure toujours, jusque là, la Présidence tournante de cette organisation régionale qui avait suspendu Fidji de
son statut de membre plein en mai 2009, pour cause de non retour rapide à la démocratie.
Depuis juillet 2009 et après avoir abrogé la Constitution trois mois auparavant, le gouvernement fidjien annonce des élections pour le
dernier trimestre 2014.
Un processus d’enregistrement sur les listes électorales et, parallèlement, d’élaboration d’une nouvelle Constitution, supervisée par
une Commission Constitutionnelle devant rendre des recommandations à une assemblée constituante d’ici 2013, a été engagé ces dernières semaines à Fidji.
MM. McCully et Carr se trouvaient tous deux à Suva dans le cadre d’une récente mission ministérielle « de contact » sous l’égide du
FIP.
La Commission Constitutionnelle prête serment
Ce déplacement intervient alors que les cinq membres de la Commission Consultative fidjienne, chargée d’élaborer une nouvelle
Constitution au terme d’un processus de consultation, en milieu de semaine dernière, ont prêté serment devant le Président de la Cour Suprême et Président par intérim, le Britannique Anthony
Gates.
Les soumissions publiques, sous forme de réunions, devraient être ouvertes à partir du vendredi 3 août 2012 et pour un peu plus de
deux mois dans la capitale Suva et à travers le pays, a indiqué le gouvernement.
Les deux premières semaines de consultations devraient avoir à Suva, indiquent les mêmes sources.
Les cinq membres de cette Commission sont le Professeur Kenyan Yash Ghai (Président), la Professeure Christina Murray, l’ancienne
ministre Taufa Vakatale, le Dr Satendra Nandan et la militante Penelope Moore.
« La Commission souhaite entendre les points de vue de tous les Fidjiens, chacun doit avoir son mot à dore », a assuré le Professeur
Ghai.
Parallèlement, le processus d’enregistrement sur un registre électronique électoral, mené par une société canadienne, Code Inc.,
aurait engrangé plus de 280.000 inscriptions depuis début juillet 2012, selon les derniers décomptes annoncés en début de semaine.
Initialement limité dans le temps, Il devrait finalement se poursuivre jusqu’à une date proche des législatives, courant 2014, ont
finalement annoncé les autorités fidjiennes ce week-end.
Les premiers signes encourageants sont venus de Wellington
Avant la rencontre tripartite de Sydney, MM. McCully et Kubuabola s’étaient rencontrés il y a une dizaine de jours, en mode bilatéral,
à Suva, vendredi 20 juillet 2012.
À l’issue de ces entretiens, ils ont évoqué processus progressif de normalisation, plus de cinq ans après le putsch du 5 décembre
2006, qui a porté au pouvoir le gouvernement du Contre-amiral Franck Bainimarama.
Dans un communiqué, le gouvernement fidjien a évoqué la rencontre avec M. McCully essentiellement consacré à « reconstruire » les
relations diplomatiques entre les deux pays et qui, selon le chef de la diplomatie fidjienne, « figurera dans les livres d’histoire ».
Les deux responsables auraient évoqué, lors de leur rencontre qualifiée par Suva de « positive », la perspective de « relations
cordiales » et de la nécessité pour les pays voisins de « travailler dans un esprit de coopération mutuelle dans des domaines d’intérêt commun ».
Cette rencontre a mis en lumière la volonté de la part de la Nouvelle-Zélande d’aider Fidji dans le cadre de ses réformes
constitutionnelles », souligne un communiqué de Suva.
Cette aide, qui pourrait atteindre les deux millions de dollars néo-zélandais, devrait se matérialiser, selon les mêmes sources, par
une première enveloppe néo-zélandaise de quelque 500.000 dollars (néo-zélandais, soit près de 330.000 euros) ciblant les travaux actuels d’une Commission Constitutionnelle formée en début d’année
en vue d’élaborer une nouvelle Constitution pour l’archipel (après l’abrogation de la précédente Constitution, en avril 2009).
« En tant que pays assurant la Présidence actuelle du Forum des Îles du Pacifique (FIP), la Nouvelle-Zélande voudrait rendre compte de
manière positive auprès des dirigeants (du FIP), lors de leur prochain sommet aux îles Cook (fin août 2012) des progrès réalisés à Fidji », croit comprendre le communiqué gouvernemental
fidjien.
Fidji a été suspendu de son statut de membre plein du FIP en mai 2009, pour cause de non retour rapide à la démocratie.
La posture du FIP, considérée comme résultant de celle de ses deux plus influents membres, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, a aussi
entraîné en septembre 2009, une autre suspension : celle du Commonwealth, pour les mêmes raisons.
Depuis fin 2010, toutefois, M. McCully repris à intervalles réguliers un dialogue direct avec son homologue fidjien, dans le cadre
d’une nouvelle politique d’ « engagement » avec le régime de Suva.
Depuis cette suspension du FIP, estime M. Kubuabola, la politique fidjienne, en matière diplomatique, de « Regard vers le Nord » (qui
se traduit par un développement des relations avec les pays d’Asie, Chine en tête et tout récemment Corée du Sud), ainsi que son adhésion en 2011 au mouvement des pays non –alignés, « a permis à
Fidji d’établir des relations avec des pays qui comprennent la situation politique et économique de Fidji », souligne M. Kubuabola.
À l’issue de cette rencontre (de vendredi 20 juillet 2012), j’ai bon espoir que les relations entre Fidji et la Nouvelle-Zélande sont
sur le chemin de la normalisation », estimait alors le chef de la diplomatie fidjienne.
Lors de son passage à Suva, M. McCully a aussi rencontré le Secrétaire Général du FIP, Tuiloma Neoroni Slade, avant de quitter
l’archipel en début de week-end.
Quasi-simultanément, le gouvernement fidjien annonçait un adoucissement notable des règles en matière de tenues de réunions publiques
et politiques, en supprimant la nécessité de demander une autorisation préalable à la police pour des réunions de plus de trois personnes, sauf pour certains cas particuliers sur la voie publique
ou dans des stades.
Mi-juillet 2012, par ailleurs, c’est à Auckland d’un nouvel épisode dans les relations entre les deux pays se déroulait, avec une
série de perquisitions menées par les services spéciaux de renseignement de la police locale, au domicile de plusieurs membres d’anciens gouvernements pré-putsch et militant au sein d’association
pour le retour à la démocratie dans leur pays.
Un ancien ministre, Rajesh Singh, a reçu la visite d’une de ces équipes et a dû répondre à une série de questions touchant
spécifiquement à des rencontres avec un dissident notoire du régime, le Colonel Ratu Tevita Mara.
Depuis son départ de Fidji, dans des circonstances rocambolesques, en mai 2011, à bord d’un bateau de pêche ensuite rejoint par un
navire militaire tongien, cet ancien proche du Contre-amiral tente d’articuler une opposition crédible au régime actuel.
Il bénéficiait depuis de conditions bienveillantes de la part de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, où il s’est rendu à plusieurs
reprises pour y tenir des réunions d’opposants au régime de Suva.
Les questions des policiers néo-zélandais auraient porté sur un éventuel complot ourdi depuis la Nouvelle-Zélande en vue d’assassiner
le Premier ministre Contre-amiral Franck Bainimarama.
M. Singh a ensuite déclaré avoir nié en bloc et obtenu que l’ordinateur portable et l’appareil photo saisis lui soient
restitués.
Il clame depuis son intention de porter plainte devant les services néo-zélandais du Médiateur (Ombudsman).
Depuis, le premier ministre néo-zélandais John Key a indiqué que des contacts à ce sujet avaient bien eu lieu entre son gouvernement
et celui de Fidji.
Cette intervention policière sur le sol néo-zélandais a aussi été interprétée, depuis, comme un signal fort et plutôt amical envoyé de
Wellington à Suva.
Mission ACP-UE à Fidji : confiance, mais vigilance aussi
Par ailleurs, une mission interparlementaire conjointe de l’Union Européenne et du groupe des pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique),
qui se trouvait à Suva (Fidji) du 21 au 24 juillet 2012 pour y évaluer les progrès réalisés en matière de retour à la démocratie et en vue de la tenue d’élections toujours annoncées pour le
dernier trimestre 2014, a conclu en milieu de semaine ses travaux sur un premier constat mêlant le sentiment de confiance et de vigilance.
Ce groupe d’une douzaine de personnes, côté européen, était conduit par l’eurodéputée Michèle Rivasi (Vice-présidente de la délégation
européenne à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE députée européenne Verts, qui remplace au pied levé le Belge Louis Michel, Coprésident de la délégation européenne à l'Assemblée
parlementaire paritaire ACP-UE et ancien commissaire européen au Développement et à l'Aide humanitaire) et, du côté ACP, par le Kenyan Musikari Kombo, Coprésident de l'Assemblée parlementaire
paritaire ACP-UE.
Lors d’une conférence de presse mardi 24 juillet 2012 dans les locaux du siège régional de l’Union Européenne, les missionnaires ont
exprimé un relatif optimisme quant à un retour de Fidji à la démocratie dans les temps annoncés, mais ont aussi souligné la nécessité d’associer le spectre le plus large possible, sans exclusive,
dans le processus actuel de consultations et d’élaboration d’une nouvelle Constitution avant la tenue de ce scrutin, toujours annoncé pour le dernier trimestre 2014.
Démocratie participative
« Nous avons parlé à beaucoup de gens, le gouvernement actuel, la société civile, les anciens politiciens et chefs de gouvernements,
la Commission Constitutionnelle pour tenter de comprendre les raisons, mais aussi les causes profondes (de la situation actuelle) », a déclaré Musikari Kombo, qui a réaffirmé que l’objectif
ultime demeurait le retour à une démocratie parlementaire dans le respect des droits humains et des libertés fondamentales.
Ces principes sont aussi considérés comme « essentiels » dans l’article 96 de l’Accord de Cotonou, qui lie les pays ACP à l’Union
Européenne.
M. Kombo a estimé avoir constaté une réelle volonté de tenir des élections dans les temps prévus.
« Nous voulons une nouvelle Constitution qui réponde aux attentes des citoyens de Fidji, mais aussi une participation de l’ensemble
des acteurs qui interviennent, ainsi qu’une presse libre qui puisse faire remonter les aspirations des citoyens pour une nouvelle Constitution et les élections à venir (…) La démocratie ne se
décrète pas. Elle se construit avec les gens, on ne l’’impose pas », a renforcé pour sa part Michèle Rivasi.
L’eurodéputée (Europe Écologie Les Verts) considère par ailleurs que la plupart des ingrédients sont présents pour mener à bien la
feuille de route de route annoncée par les autorités locales actuelles, mais qu’il importait désormais de stimuler la participation de tous pour que « la mayonnaise prenne ».
« Il faut aussi que les médias se libèrent, y compris dans leur tête », a-t-elle ajouté, faisant référence aux stigmates de trois
années de censure sur la presse locale, entre avril 2009 et début 2012.
Le coup d’État de décembre 2006 a entraîné, au plan de l’UE, des « mesures appropriées », à savoir une suspension de son aide non
humanitaire à Fidji, dans le cadre du Fonds Européen de Développement (FED), pour cause de non respect des « éléments essentiels » contenus dans l’article 96 de l’Accord de Cotonou (qui lie l’UE
et les ACP), notamment le principe de respect de l’état de droit, des droits de l'homme et des valeurs démocratiques.
Le gel des fonds européens, toutefois, ne concerne pas les programmes classés humanitaires.
Cette commission paritaire devrait désormais rendre un rapport à Bruxelles, lors d’une session de l’assemblée parlementaire paritaire,
en septembre 2012, pour approbation lors de la prochaine réunion en novembre 2012, au Suriname.
L’UE pourrait, dans un contexte favorable, débloquer des fonds pour accompagner le processus fidjien de retour à la démocratie, a
indiqué l’eurodéputée.
« Mais l’argent sera donné en fonction des progrès effectués », a-t-elle insisté.
Le gouvernement fidjien dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama annonce depuis juillet 2009 des élections législatives pour le
dernier trimestre 2014.
Depuis le début juillet 2012, il a par ailleurs lancé un processus de mise à jour des listes électorales, effectué par la mise en
place d’un système électronique censé supprimer les erreurs, voire les fraudes.
Parallèlement, une commission consultative et des soumissions de la part du public devraient être synthétisées par un groupe
d’experts, présidé par le Kenyan Yash Ghai.
Ce groupe est chargé de rédiger une nouvelle constitution, dont le texte devrait ensuite être entériné par une assemblée
constituante.
Le Premier ministre Contre-amiral Bainimarama a indiqué à plusieurs reprises que dans ce nouveau texte, toute notion « clivante »,
comme la notion de circonscriptions réservées à l’une ou l’autre des deux principales ethnies (les Fidjiens indigènes et les citoyens d’origine indienne, amenée à la fin du dix-neuvième siècle
pour cultiver la canne à sucre), présentes dans la précédente Constitution (abrogée mi-avril 2009), ne figureraient pas dans le nouveau texte.
Selon Suva, la nouvelle Constitution devrait être finalisée courant 2013.
Procès du Premier ministre renversé : verdict attendu mardi
Par ailleurs, au plan judiciaire, un tribunal de la capitale Suva livrait lundi 30 juillet 2012 un verdict préliminaire dans le cadrer
du procès de l’ancien Premier ministre Laisenia Qarase, renversé le 5 décembre 2006 par le Contre-amiral Bainimarama.
Un jury d’assesseurs de la Haute Cour a recommandé que l’accusé soit reconnu coupable des neufs chefs d’accusation portés contre
l’accusé, à savoir abus de pouvoir et fraudes et non déclaration de conflit d’intérêt, dans une affaire qui remonte au temps où M. Qarase était à la tête ou à des postes d’influences au sein de
plusieurs institutions publiques (y copris membre du Conseil d’Administration de la société fiduciaire Fijian Holdings Limited, considérée comme le bras financier de l’État fidjien).
Les faits remontent à une période située entre 1992 et 2000.
Ces recommandations, désormais livrées à la juge Priyantha Fernando, devront être confirmées, ou pas, mardi.
Si la magistrate décide de s’aligne sur la position des assesseurs, M. Qarase, 71 ans, sera de fait hors course pour les législatives
de 2014, car banni de la vie politique pour une durée minimum de dix ans.
L’affaire avait été instruite par une Commission Indépendante Contre la Corruption, mise en place après l’avènement du gouvernement
post-putsch.
pad