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le blog de Simon Loueckhote

Une fenêtre sur la Nouvelle-Calédonie : politique, santé, social, éducation, francophonie, économie

" ... le Général de Gaulle a ouvert la voie de notre émancipation au sein de la République ... " Maurice NENOU, Député

Publié le 1 Août 2020 par Loueckhote Simon

" ...  le Général de Gaulle a ouvert la voie de notre émancipation au sein de la République ... " Maurice NENOU, Député

"Monsieur le ministre, monsieur, le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,

Dans ma tribu, très loin, à Napoémien en Nouvelle-Calédonie, avant de s' adresser à quiconque, il est une règle que chacun respecte :
Celle d' indiquer qui on est et d'où l'on vient .
Aussi, avant même de vous saluer, je dois vous dire que, dans mon clan, ie suis un homme simple avec pour seule renommée, je crois, celle de respecter sans faillir les règles de ma coutume qui est
l'héritage de mes anciens.
Cette coutume, c'est l'ensemble des relations, des droits et des devoirs, qui me lie à mon clan
établi à Poindimié, sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, il n' y aura pas de confusion.
Mon clan a des droits et des devoirs dans un « périmètre coutumier », pas au-delà.
La Calédonie est ainsi faite que, avant l'arrivée des Français, telle était une mosaïque de grands clans dominants, indépendants les uns des                        autres, possédant chacun leur propre territoire,  leurs propres règles coutumières et leur propre langue.
Pour être clair, je vous dis que celui qui, suivant nos coutumes, prétend parler au nom de tous les Canaques, celui-là est un menteur, car personne, dans notre histoire, et aujourd'hui encore, n'a reçu une telle délégation.
C 'est donc la France qui, au fil des années, a réalisé l ' unité de la Nouvelle-Calédonie par l'organisation admin istrative et par la langue.
Cette unité s'est doublée d' un apprentissage de
la démocratie qui a trouvé son aboutissement dans l'égalité des citoyens français de Nouvelle-Calédonie entre eux, sans distinction de couleur de peau ni d'origine sociale .
Elle a ainsi ouvert à tous, et notamment à nous, Mélanésiens, l'accès à la modernité dans un système économique et social évoluant vers le progrès.
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, je vous le dis avec la solennité de celui qui s'exprime pour la première fois devant vous :
La France peut être fière de ce qu'elle a accompli dans cette région du Pacifique. De la même façon, je voudrais exprimer la fierté que j'ai de siéger au Parlement de la France, un grand Etat de ce monde, qui symbolise une tradition de liberté, de générosité et de démocratie. A cette occasion, vous comprendrez que je souhaite apporter, à mon tour, un témoignage sur la réalité calédonienne. Avant moi, déjà, vous avez entendu mes amis, le député Jacques Lafleur, aujourd'hui hospitalisé, et dont l'accident de santé est la conséquence de son travail acharné, inlassable pour les Calédoniens et pour la France, le sénateur Dick Ukeiwé, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, ancien président du Gouvernement du territoire, dont la famille a été, en toute impunité, chassée de chez elle pour cause de délit d 'opinion politique.
Comme eux, je confirme qu'il n'existe pas de problème racial en Nouvelle-Calédonie.
Les idéologies tiers-mondistes ont trop souvent dépeint notre territoire comme une terre de conflit entre Noirs et Blancs.
C'est une caricature .
Sur cette île du Pacifique, cinq à dix ethnies cohabitent et le métissage a tissé entre les hommes des liens nouveaux, qui créent, comme cela s'est fait au Brésil, une population exceptionnellement multi-ethnique.
J'ajoute que ce métissage est antérieur à l'arrivée de la France, qu'il a commencé depuis plusieurs siècles, quand le Pacifique était déjà un espace privilégié de migrations.
Non, mesdames, messieurs, il n'y a pas de problème racial en Nouvelle-Calédonie, comme certains voudraient le faire croire .
Il y a, comme dans toutes les démocraties, une majorité et une opposition, qui admet difficilement le fait majoritaire. Je veux aussi, en ma qualité de député mélanésien de la République, vous parler du prétendu colonialisme français.
Je vais vous faire une confidence :
J'ai connu l'époque où la citoyenneté française ne nous était pas reconnue, à nous, Calédoniens          d'origine mélanésienne .
Moi-même, je ne suis allé à l'école de tribu qu'à l'âge de dix-huit ans.
Il m'a fallu travailler dur pour devenir à mon tour enseignant, après une formation dans la région parisienne.
De cette époque, je ne tire aucune amertume car la France a eu le génie de se remettre en question . Dans son discours de Brazzaville, le Général de Gaulle a ouvert la voie de notre émancipation au sein de la République. Il nous a aussi évité
l'asservissement à d'autres nations dont les appétits se révèlent un peu plus chaque jour.
Lorsque certains parient de décolonisation de la NouvelleCalédonie,
ils me font penser à des joueurs de football qui
demandent à jouer avec un ballon de rugbyVous le savez - et beaucoup d'entre vous le savent mieux que moi - si l'on excepte les grandes nations riveraines du Pacifique, les territoires français de    cette zone jouissent du plus fort niveau de développement et d'une garantie essentielle: le respect des libertés et de la démocratie.
L'oppression coloniale en Nouvelle-Calédonie, mesdames, messieurs, c'est l'éducation libre et gratuite pour tous les enfants.
L'oppression coloniale en Nouvelle-Calédonie, c'est la sécurité sociale pour tous, et notamment pour les plus défavorisés.
L'oppression coloniale en Nouvelle-Calédonie, c'est un niveau d 'équipement remarquable et de perspectives de développement économique largement au-dessus de la moyenne régionale.
En vérité, monsieur le Président, mes chers collègues, « l'oppression coloniale » pour mon territoire, c' est un concept dépassé, sorti tout droit d'une idéologie du passé, à l'heure où justement les pays cherchent à se rassembler pour répondre au défi économique, social et culturel d'un monde en formidable mutation.
J'ajoute que le comportement de certains pays indépendants, proies faciles pour les hégémonies communistes du Nord-Pacifique, montre clairement que la présence de la France dans cette partie du monde est un facteur de stabilité à la fois irremplaçable et indispensable.
Alors, bien entendu, ces vérités vont déranger.
J'entends d'ici de pseudo-sociologues se demander si, au fond, je suis bien un Mélanésien.
Il faut dire que, depuis quelques années, nous ne pouvons plus compter ceux qui sont venus nous
apprendre ce qu' étaient les Mélanésiens et quelle était la culture «kanake » .
Ceux-là, d'ailleurs, ne se sont même pas
rendu compte que le le terme « kanake » lui-même, utilisé pour désigner une ethnie ou une culture, est un mot étranger à la Nouvelle-Calédonie !
Nous voulons poser une question claire en souhaitant, en retour, une réponse claire. Cette question, je la pose également à M. le Président de la République : Pourquoi faudrait-il salir et accuser la France de tous les maux pour être bon « Canaque », et n'être qu'un « mauvais Canaque » lorsque l'on veut conserver sa nationalité française, tout en étant fier de son identité mélanésienne ?
Au Sénat, à l'Assemblée nationale, pourtant, chacun le sait, sur trois parlementaires représentant la Nouvelle-Calédonie, deux sont des Calédoniens d'origine mélanésienne, un seul est un Calédonien d'origine européenne.
Dick Ukeiwé et moi, comme des milliers et des milliers de nos compatriotes, sommes tout simplement des Mélanésiens fiers de leur culture et respectueux de leurs coutumes, et fiers tout autant
de jouir de la citoyenneté d' un des Etats les plus puissants et les plus généreux du globe : La France "

~Déclaration de Maurice Nenou~ (1939-1996) député pour la 2e circonscription à la 2e séance du mardi 8 juillet 1986

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